Financement immobilier et taux d’intérêt : comment tirer parti d’un contexte économique incertain

UN ENTRETIEN AVEC
Brennan Yadlowski
Associé et directeur général
Depuis le début de la guerre commerciale et l’incertitude économique qui en a découlé, les rendements obligataires ont été volatils. Quel est l’impact de ces variations sur le marché de l’investissement immobilier commercial ?

Lorsque les rendements obligataires diminuent, les taux d’intérêt fixes pour les prêts hypothécaires commerciaux suivent généralement la même tendance. Les taux variables, ou flottants, ont aussi été compressés, en raison des sept baisses consécutives du taux directeur et du taux préférentiel (avant que la Banque du Canada ne maintienne son taux en avril et en juin, en raison des incertitudes liées aux tarifs douaniers).

Grâce à ces baisses successives, le taux variable est aujourd’hui bien inférieur à celui de l’an dernier à pareille date.

De la même manière, les taux fixes, qui sont établis en fonction des rendements obligataires ou du coût des fonds pour les prêteurs, ont aussi diminué par rapport à il y a 12 mois.

Les prêteurs fixent leurs taux d’intérêt en ajoutant une marge aux rendements obligataires ou à leur coût interne des fonds. Par exemple, ils peuvent se baser sur le taux obligataire du gouvernement du Canada à cinq ans, ce qui détermine le taux fixe final. Ces taux obligataires indiquent directement où certains prêteurs positionnent leurs taux fixes à terme pour l’immobilier commercial. Pour les prêts variables ou les prêts de construction, les taux sont liés au taux préférentiel des grandes banques, qui est actuellement de 4,95 %.
 

Courbes de rendements sur obligations

Source: Banque du Canada

Des taux d’intérêt bas sont précurseurs d’activité dans le secteur de l’investissement immobilier commercial, car ils rendent le financement et le coût du capital plus avantageux pour les investisseurs. Cela dit, les turbulences économiques des 90 derniers jours ont freiné l’élan des investissements. Malgré cela, c’est un moment opportun pour les propriétaires qui souhaitent refinancer ou pour les investisseurs qui veulent acquérir, compte tenu des taux plus bas comparativement au premier semestre de 2024. Il est toujours judicieux d’investir dans l’immobilier lorsque le financement est avantageux par rapport aux taux de rendement. Et nous nous rapprochons actuellement des taux d’intérêt d’avant la pandémie. N’oublions pas que pendant la majeure partie de 2023 et 2024, les taux fixes à cinq ans pour les prêts hypothécaires commerciaux dépassaient les 5,00 %, ce qui n’était pas viable pour de nombreux investisseurs. Cette année, le contexte est beaucoup plus favorable en ce sens.

Les prêteurs resserrent-ils leurs critères de souscription en raison de l’incertitude économique ambiante ?

Nous n’avons pas observé de resserrement complet des paramètres de souscription au cours des 90 derniers jours. Il y a encore beaucoup de capitaux disponibles pour les actifs commerciaux, industriels et multirésidentiels. Ces deux catégories d’actifs ont accaparé beaucoup d’activité de financement au cours des 24 derniers mois, donc les prêteurs montrent maintenant un intérêt accru pour les centres commerciaux, voire certains immeubles de bureaux ou professionnels, afin de diversifier leur portefeuille — ce que nous n’avions pas vu depuis deux à trois ans. Cela dit, attendez-vous à ce que les prêteurs posent davantage de questions pour mieux comprendre l’exposition de chaque emprunteur aux tarifs douaniers.

Rendements sur obligations, taux directeur et inflation

Source: Banque du Canada
La volatilité des marchés boursiers incitera-t-elle les investisseurs à se tourner vers des actifs réels ou alternatifs ?

La volatilité des marchés boursiers a été un facteur clé dans la hausse initiale des taux obligataires après certaines annonces tarifaires. Cette incertitude pousse les investisseurs à rechercher des véhicules financiers plus stables, comme les obligations ou les produits à revenu fixe. L’immobilier est également perçu comme une alternative intéressante aux actions. Alors que les investisseurs se détournaient des actions pour se tourner vers les obligations, les taux obligataires ont augmenté, mais cette même incertitude a aussi suscité un intérêt accru pour l’immobilier commercial.

Les taux obligataires sont légèrement plus élevés en ce moment qu’il y a trois ou quatre mois, même avant l’entrée en fonction du président Trump. Le taux obligataire à cinq ans du gouvernement du Canada, au 10 juin 2025, est d’environ 2,94 %, contre 2,75 % au début février. Même si les rendements sont revenus à leur niveau d’il y a trois mois, il y a eu des hauts et des bas pendant cette période. Cela dit, nous sommes en meilleure posture qu’à la même période l’an dernier, alors que le taux à cinq ans était de 3,70 %. Le contexte est donc plus favorable aux ventes d’investissement, malgré l’incertitude.

En fait, les taux d’intérêt sont plus bas que l’an dernier pour toutes les catégories d’actifs et dans tous les marchés. 

Si les taux d’actualisation demeurent stables, plus de capitaux sont disponibles pour les investisseurs. Les taux fixes sont de 85 à 100 points de base inférieurs à ceux de l’an dernier, selon le coût des fonds pour les prêteurs. Cela compense en partie l’incertitude entourant les prix de l’immobilier, d’autant plus que les taux variables et fixes ont considérablement baissé.

Actuellement, les taux fixes à cinq ans sont sous la barre des 4,00 % pour le multirésidentiel, et les taux commerciaux à cinq ans se situent entre 4,30 % et 5,00 %. Par exemple, en Alberta, les taux de capitalisation pour le multirésidentiel varient entre 4,00 % et 5,00 %, et ceux pour le commercial se situent entre 5,50 % et 6,00 %. Il y a donc du rendement pour les investisseurs, dans certains marchés.

Prêts hypothécaires non résidentiels consentis par les banques à charte

Source: Bank of Canada
Quelle est votre perspective sur la dette immobilière et le financement pour le reste de l’année ?

Plusieurs prêteurs s’attendent encore à deux ou trois baisses supplémentaires du taux directeur de la Banque du Canada d’ici la fin de l’année, si l’inflation reste sous contrôle. Une réduction de 50 points de base au cours des six prochains mois serait bénéfique. Cela ferait passer le taux préférentiel des grandes banques sous la barre des 4,50 %, ce qui réduirait considérablement le coût du capital pour les financements de construction et les prêts d’acquisition à taux variable. Pour les prêts d’acquisition à taux variable sur un ou deux ans, cela permet aussi une flexibilité intéressante: ils sont ouverts au remboursement anticipé lorsque vient le moment de refinancer à taux fixe à plus long terme.

Comme mentionné précédemment, les prêteurs ont toujours un fort appétit pour financer des acquisitions, des refinancements ou des projets de développement immobilier commercial dans plusieurs catégories d’actifs en 2025. 

Selon moi, cette tendance se poursuivra au second semestre de l’année, et les investisseurs ou propriétaires immobiliers devraient continuer à avoir accès à du capital de dette pour leurs propriétés commerciales.
Quelle est votre perspective sur les conditions du marché immobilier commercial pour le reste de 2025 ?Qu’en est-il des paramètres de prêt assurés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) dans le marché actuel ?

La SCHL a de nouveau modifié plusieurs de ses paramètres à l’automne 2024. Bien que les prêts assurés par la SCHL demeurent un moteur important de l’investissement multirésidentiel au Canada, en 2025, les prêteurs et les investisseurs s’intéressent davantage aux prêts conventionnels, en remplacement des prêts assurés par la SCHL. Le financement de construction non assuré par la SCHL est également en hausse, puisque la SCHL a resserré ses critères, notamment en ce qui concerne le ratio prêt/coût pour les déboursés dans le cadre de ses financements de construction.

Les prêts assurés par la SCHL peuvent atteindre un ratio prêt-valeur ou prêt-coût de 95 %, et il est encore possible d’obtenir une approbation à ce niveau. Toutefois, la SCHL peut maintenant retenir entre 10 % et 15 % de votre levier financier. Elle n’avancera pas la totalité du 95 % tant que la construction ne sera pas terminée et que le projet ne sera pas stabilisé. Donc, si vous n’obtenez que 80 % du coût de construction pendant les travaux avec un prêt SCHL, il peut être plus avantageux pour les promoteurs et investisseurs de se tourner vers des banques, coopératives de crédit ou prêteurs privés qui approuveront un prêt à 75 % du coût, sans avoir à composer avec le processus de demande de la SCHL, ses délais prolongés ou ses primes. Les promoteurs ou investisseurs peuvent toujours faire assurer leur prêt à terme par la SCHL une fois le projet complété, même s’ils ont utilisé un prêt conventionnel pour la construction.

Comment les investisseurs immobiliers devraient-ils naviguer dans ce marché de la dette en constante évolution ?

Aujourd’hui, il est essentiel de bien jumeler les prêteurs avec les objectifs des emprunteurs, qu’il s’agisse d’un investisseur ou d’un promoteur. 

Depuis la pandémie, prêteurs et investisseurs réévaluent activement leurs allocations de portefeuille, et ce processus est toujours en cours, au rythme de l’évolution des partenariats.

Les courtiers hypothécaires peuvent jouer un rôle déterminant dans ce contexte. Ils comprennent en profondeur les paramètres de souscription des prêteurs, la tarification des taux d’intérêt et les préférences de chaque institution. En 2020 et 2021, les taux obligataires étaient extrêmement bas, et les taux fixes à cinq ans étaient sous les 2,00 %, mais le marché a beaucoup changé depuis, alors que ces prêts arrivent à échéance. Certains investisseurs croient encore bénéficier du meilleur taux possible avec leur prêteur actuel, mais lorsqu’on crée une situation concurrentielle avec l’aide d’un courtier hypothécaire, c’est toujours avantageux. Les courtiers identifient le meilleur jumelage prêteur-emprunteur selon les types d’actifs et les régions, pour maximiser les conditions.

Les investisseurs immobiliers devraient absolument consulter un courtier hypothécaire commercial pour bien souscrire leurs propriétés — y compris une analyse de sensibilité sur les taux d’intérêt, les taux de rendement et les paramètres de location. Le marché de la dette immobilière commerciale évolue constamment, et avec l’incertitude supplémentaire que nous connaissons en 2025, il est crucial que les investisseurs soient bien informés et accompagnés par un expert.
 

Tendances du marché de la dette

Multi-résidentiel

Ratio prêt/valeur maximal

Conventionnel: ≤70%
SCHL APHS: 95%

Prime sur rendement Oblig. Canada 5-ans

Conventionnel: +175 pbs
SCHL APHS: +65 pbs

Terme préférentiel

5 ou 10 ans

Amortissement le plus long

Conventionnel: 30 ans
SCHL APHS: 50 ans

Perspectives coût de la dette

Stable

Industriel

Ratio prêt/valeur maximal

≤70-75%

Prime sur rendement Oblig. Canada 5-ans

+175 bps

Terme préférentiel

5 ans

Amortissement le plus long

30 ans

Perspectives coût de la dette

Stable

Bureau

Ratio prêt/valeur maximal

≤60-65%

Prime sur rendement Oblig. Canada 5-ans

+250 bps

Terme préférentiel

5 ans

Amortissement le plus long

30 ans

Perspectives coût de la dette

Stable

Centre commercial

Ratio prêt/valeur maximal

≤70-75%

Prime sur rendement Oblig. Canada 5-ans

+170 bps

Terme préférentiel

5 ans

Amortissement le plus long

30 ans

Perspectives coût de la dette

Stable

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Brennan Yadlowski

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